DONNONS LA PAROLE A NOS PRODUCTEURS LOCAUX :
Entretien avec
Xavier Rennotte : Apiculteur et entrepreneur chez NECTAR&Co
Xavier, pourquoi as-tu choisi ce métier et quel sens cela a-t-il pour toi ?
En fait, j’ai commencé l’apiculture comme une passion lorsque j’étais enfant. Certains jouent au foot, d’autres font du vélo et bien moi, ma passion, c’était les abeilles.
Mes copains de classe étaient des fils de fermiers, des agriculteurs, des gens de la terre, etc. Dans ma rue, j’avais un copain dont le grand-père était apiculteur. J’avoue qu’on chapardait quelques lampées de miel après chaque récolte et je trouvais ça vraiment magnifique. C’était fabuleux ! C’est un monde à part, un monde qui semble un petit peu fermé. Une ruche n’est pas facilement accessible, on n’y entre pas comme on veut.
Je crois que c’est à l’âge de 11 ans que j’ai dit à mes parents que je voulais des ruches. Ils m’ont répondu qu’ils étaient d’accord.
Comme j’avais leur approbation, je n’ai pas dû chercher très longtemps. Il y avait un apiculteur à Cortil-Wodon (il n’existe plus maintenant) qui voulait se séparer de ses colonies. Il s’appelait M. Merveille (c’est quand même magique). J’ai donc vidé mon compte épargne pour acheter ses ruches. Voilà comment tout a commencé ! Il s’agissait vraiment d’une passion d’enfant, avec le côté un peu insouciant. L’insouciance de la dangerosité de l’abeille mais pas du cadeau qu’elle pouvait nous offrir : le miel ! Il s’agit quand même d’une super matière première qui, quand elle est locale, est encore bien meilleure car elle a encore meilleur goût.
Cette passion ne m’a jamais lâché ! Pendant tout mon cursus scolaire et universitaire, j’ai toujours associé le miel à mes travaux. Pendant mon graduat en gestion hôtelière, je travaillais le miel dans ma cuisine. À l’ICHEC, j’ai effectué mon sujet de mémoire sur l’hydromel. C’est vraiment quelque chose qui m’a toujours suivi.
Je suis aussi un peu indépendant dans l’âme, je vends des choses depuis que je suis tout petit. Devenir apiculteur et travailler dans le monde de l’entrepreneuriat, c’était une évidence. Toutefois, j’ai quand même fait un écart en allant travailler quelque temps dans le monde de la finance et de l’assurance (en allant voir le côté obscur de la force). Après quelques années, j’ai décidé d’arrêter et de retourner à mes premiers amours.
J’aime la nature, j’aime le monde qui nous entoure et je pense que l’apiculteur, que l’on appelle communément le berger des abeilles, doit être l’ami de l’abeille et non un profiteur de l’abeille.
Ce point est très important pour moi parce qu’aujourd’hui, dans la distribution, qu’elle soit directe ou indirecte, on trouve de tout dans le miel. Moi, je voulais proposer aux gens qui nous entourent des produits de qualité.
Mon souhait, c’est de vraiment pouvoir être acteur de notre alimentation aujourd’hui et de transformer des matières premières. Il faut dire (et j’aime le dire) que chez Nectar & Co, nous sommes des transformateurs, comme le serait un boulanger ou un brasseur. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas des producteurs primaires.
Nous avons des producteurs primaires qui fournissent la matière première à Nectar & Co et nous, nous la sublimons. Il est important de le souligner.
Parce que les producteurs primaires, ce sont des gens qui ont les mains dans le cambouis, qui travaillent avec les animaux, etc. Il s’agit vraiment d’une valeur qui est essentielle parce qu’elle est souvent un peu galvaudée. Personnellement, je trouve que l’on fait facilement l’amalgame entre les producteurs et les transformateurs, mais les vrais producteurs, ce sont ceux qui sont à la base. Ce sont ceux-là qu’il faut vraiment protéger parce qu’ils sont à la base de notre alimentation ! Et nous, les transformateurs, si nous faisons bien notre travail, nous sommes là pour sublimer les produits.
Je suis aussi producteur et je pense que c’est au grand dam de mes enfants, de mon épouse et de mes collègues. Parce que dès que les beaux jours reviennent, j’essaime dans mes ruches. J’ai besoin d’avoir cette connexion avec le vivant parce que cela me permet de voir le monde. Tout va très vite et j’ai besoin de revenir dans un rythme plus naturel. J’ai besoin de me rendre compte qu’en réalité, on ne maîtrise quasi rien, au contraire de la nature qui s’adapte beaucoup mieux. C’est vraiment un besoin récurrent de pouvoir me ressourcer auprès de mes abeilles.
Je ne vois pas le temps passer, parce qu’avec mes ruches, je rentre dans un autre monde. Un monde qui est le mien !
Je pense qu’autour de moi, je n’ai pas beaucoup d’amis et de membres de ma famille qui ont exprimé la volonté de rentrer dans mon monde et c’est très bien comme ça.
“Nous sommes des transformateurs, comme le serait un boulanger ou un brasseur”
“C’est vraiment un besoin récurrent de pouvoir me ressourcer auprès de mes abeilles”
Nos Partenaires
Bien s’entourer pour proposer le meilleur
Je possède donc ma propre production de miel qui est largement composée de miel local, semi-local et européen. Tous les produits qui arrivent chez nous viennent d’un producteur avec lequel nous travaillons en direct. Nous ne passons pas par un système d’achat en coopérative ou autre. Aujourd’hui, 30 % de nos produits sont belges. Le reste, ce sont des produits européens que nous avons sélectionnés. Même si je peux trouver moins cher dans d’autres pays européens, je m’abstiendrai parce que la philosophie apicole, le terroir et les méthodes d’apiculture ne me plaisent pas. Aujourd’hui, nous avons une petite vingtaine de fournisseurs avec lesquels nous travaillons. Ce sont des personnes que je connais depuis longtemps et en qui j’ai toute confiance.
La majorité de nos fournisseurs sont issus de l’apiculture biologique et exercent ce métier depuis longtemps. Ils sont dans le secteur bio depuis 25-30 ans ce qui, selon moi, est un gage de qualité. Moi qui aime apprendre et qui ai soif de connaissances, j’ai aussi l’avantage de pouvoir échanger avec eux et de bénéficier de leur expérience. C’est une force que d’être entouré de partenaires qui sont dans le métier depuis si longtemps mais aussi une faiblesse car certains seront bientôt à la pension (certains ont même dépassé l’âge de la pension depuis longtemps) et je ne suis pas certain de pouvoir trouver des remplaçants.
Q&R
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton activité ?
Je suis un peu un touche-à-tout. J’ai appris ces dernières années à déléguer, mais je ne peux pas m’empêcher de faire de la transformation.
Mon produit phare, c’est le vin de miel, aussi connu sous le nom d’hydromel. Je l’appelle « vin de miel » parce qu’on le vinifie selon le même procédé que la vinification du vin blanc.
Après quelques mois, on pourra vraiment l’appeler « hydromel ». J’aime beaucoup la recherche et le développement. Moi qui suis issu du monde culinaire, j’aime créer et développer de nouveaux produits. On va bientôt pouvoir produire un vrai hydromel à base de produits issus uniquement de la ruche. Même les levures sont des levures de la ruche et non des levures de vin. On sera très fiers si cela fonctionne. C’est dans la création et la production que je prends le plus de plaisir. Et dans le fait d’apporter une vraie plus-value ! Je peux très bien vendre, administrer et faire plein d’autres choses, mais cela fait simplement partie du travail de l’entrepreneur. Ce n’est pas ce qui me plaît.
Je pense que beaucoup de personnes détiennent le savoir. Il y a des gens qui cherchent et des gens qui aident les gens à chercher. En Belgique, nous avons notamment un réseau universitaire qui est assez bien fait. J’ai toujours usé et abusé de ce savoir universitaire parce que je ne suis pas brasseur, ni vigneron. Je suis juste un apiculteur qui aime les bonnes choses et cela m’a permis de faire plein de recherches.
On produit déjà du vin de miel depuis le début de l’activité, mais c’est seulement maintenant que nous sommes capables de faire quelque chose de très stable et qui correspond également à mes valeurs. Je voulais faire un produit qui soit le moins modifié, le moins transformé, le moins abîmé par l’homme, en limitant les intrants et autres produits. Je suis plutôt favorable au label bio mais, selon moi, certains aspects sont ignorés. Il y a aussi des choses qui ont régressé avec le temps à cause des intérêts économiques des grandes entreprises. C’est le côté qui me dérange le plus !
Avec notre hydromel, je pense maintenant que nous avons créé un bon produit. Maintenant, comme pour tout, il faudra que ça plaise !
Je me suis toujours demandé pourquoi l’hydromel avait disparu étant donné que c’était la boisson des druides, la boisson des dieux ? Quand on a un aussi beau nom et qu’on disparaît, il doit y avoir une bonne raison, non ?
Je pense qu’aujourd’hui, on fait quelque chose qui plaît… principalement aux femmes, ce qui me convient bien (dit-il en riant).
Je pense que c’est peut-être le produit qui nous permettra de durer dans le temps. Parce que les crises diverses et variées, que ce soit au niveau des contenants, des matières premières, de l’énergie ou autres, vont avoir un impact sur notre activité. Mais là, en revanche, nous tenons un produit qui est intemporel et qui va nous suivre. Les premières bouteilles arriveront à la fin de cette année.
Pour la première fois depuis 100 ans, le Manneken Pis va à nouveau faire pipi de l’hydromel, lors de la Saint-Ambroise (qui est la fête des apiculteurs). J’ai réussi à convaincre la Ville de Bruxelles de reprendre cette tradition des 18e et 19e siècles qui avait été abandonnée.
“Je voulais faire un produit qui soit le moins modifié, le moins transformé, le moins abîmé par l’homme, en limitant les intrants et autres produits“
“Pour la première fois depuis 100 ans, le Manneken Pis va à nouveau faire pipi de l’hydromel, lors de la Saint-Ambroise “
Qu’aimerais-tu dire aux Fernelmontois ?
Je suis né ici, à Fernelmont, et je suis fils d’immigrés bruxellois. J’ai moi-même migré dans l’autre sens, vers Bruxelles. Et pour avoir pas mal baroudé à travers la Belgique et le monde, je trouve que nous n’avons pas conscience de nous trouver dans un endroit vraiment privilégié. À Fernelmont, nous sommes géographiquement bien situés, nous avons un environnement assez qualitatif (même si nous connaissons les travers de notre région).
Il y a autour de nous des acteurs qui peuvent nous nourrir et qui peuvent répondre à notre besoin primaire de vivre.
Je pense qu’il est primordial de retisser ce lien-là, ce lien économique, ce lien de proximité. Parce que nous en avons la possibilité et la chance. Il existe des initiatives qui sont prises dans la commune et qui sont parfois sous-exploitées par les locaux. Probablement pour diverses raisons : des raisons économiques ou par simple manque de temps. Aujourd’hui, ce sont ces deux notions que l’on doit combattre : le temps et l’argent. Je pense qu’il est important de le répéter aux gens qui vivent avec nous, autour de nous.
“Il est primordial de retisser ce lien économique, ce lien de proximité”
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